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Le petit monde de Coquelicot
25 octobre 2021

Michelinville

Il y a un siècle, le géant du pneumatique construisait des lotissements pour ses salariés. Entre aménagements et extensions, les maisons s’offrent aujourd’hui une nouvelle jeunesse.

De petites cheminées dominent les toitures en tuiles. Les murs sont colorés, dans les tons pastel. Sur chaque parcelle, quatre maisons mitoyennes.

À l’intérieur, la simplicité détonne : d’un côté un salon accolé à une petite salle à manger, de l’autre une cuisine ordinaire. Le jardin à l’avant, traversé par un petit chemin en pierres, donne un air accueillant aux maisonnettes.

Au fil du temps, les résidents ont ajouté leur touche de modernité : vérandas, terrasses, piscine ou pièce supplémentaire. Chacun son style.

Elles sont près d’un millier rien qu’à La Plaine, construites presque à l’identique dans les années vingt par Michelin pour ses employés. Un paternalisme d’une autre époque. Près d’un siècle plus tard, les anciens comme les nouveaux salariés Michelin ne sont plus très nombreux dans le quartier. Les petites maisons connues de tous à Clermont-Ferrand, elles, n’ont pas pris une ride.

cités michelin

« Michelin a fait du solide », observe Jean-Claude. L’octogénaire a racheté la propriété de ses parents, rue du Courage, en 1985. Il a ajouté une véranda dans la foulée, comme bien d’autres ici. Madame Rivet, « la fille de Mario » comme on l’appelle dans le quartier, est revenue avec sa famille dans La Plaine de son enfance pour retaper une maisonnette. Puis a creusé une piscine dans le jardin. Ici, tout est bon pour customiser son nid.

« Certes, ces biens sont un poil moins chers que le reste du marché en raison de la mauvaise presse des quartiers nord de la ville. Pour autant, le secteur reste demandé par les primo-accédants. »

Amandine Peroche-Gervais (responsable de ventes chez Abry Immobilier)

Le tram, tout proche, a redynamisé le quartier, la montée en Ligue 1 du Clermont Foot a aussi aidé. « On perd l’idée d’un secteur mal fréquenté. »

Constat partagé par cet agent immobilier rencontré dans le quartier, prospectus en main :

« Une dame vivait au Brésil et préparait doucement sa retraite. Séduite par Clermont-Ferrand, elle vient d’acheter une maison Michelin ». La maison a connu un beau lifting : une chambre aménagée en bas, un abri transformé en garage et une terrasse flambant neuve.

Toutefois, prudence aux futurs acheteurs. « Il y a de tout à La Plaine?! Certaines maisons ne sont toujours pas isolées », indique Bernard Pepe de l’agence Taravant.

Actuellement, rien n’empêche les nouveaux arrivants de retaper de fond en comble leur logement. Les maisons Michelin ne sont en rien classées ou protégées à ce titre, malgré les rumeurs répandues dans le quartier, note Clermont Auvergne Métropole. Des maisons qui, pourtant, ont fait et font encore le patrimoine de Clermont.

Idée reçue. 

Beaucoup de Clermontois pensent que les salariés du fabricant de pneus ont bâti l’ensemble des maisons Michelin. C’est faux et vrai à la fois ! Il y a bien, à La Plaine, 293 maisons construites par des employés Michelin à partir de matériaux fournis par l’entreprise. Construites entre 1955 et 1970, elles sont appelées "maisons Castor". Clin d’œil au rongeur qui aménage son lieu de vie. Impossible à différencier du millier de maisons dites "Michelin" (directement bâties par l’entreprise), tant leur architecture est identique. Une fois les travaux achevés, chaque employé tirait au sort sa maison, sous la surveillance d’un notaire. Et ils en devenaient propriétaires. À l’inverse des maisons Michelin, dont les employés n’étaient que simples locataires. 

Petit saut dans le temps : en 1925, face à l’augmentation de logements ouvriers insalubres à Clermont-Ferrand, Michelin construit des logements à La Plaine pour ses salariés. « Le prix du loyer est modeste et le confort surprend », note Michel Bertrand, l’historien du quartier. Au fil des décennies, les maisons Michelin logent aussi bien des cols blancs que des ouvriers.

L’emprise de Michelin s’étend bien au-delà des maisons. La société crée un dispensaire, des supermarchés (la Socap) et des écoles dont elle paie les instituteurs.

Rue du Courage, rue du Devoir, rue de la Foi… Le baptême des rues revient, lui, à la femme du fondateur Édouard Michelin. Toutes sont fidèles au credo de l’entreprise, qui encourage la valeur travail.

rue du courage

D’autres maisons poussent jusqu’en 1937, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. À l’époque, La Plaine comptait 1.193 maisons Michelin. Leur expansion s’arrête. Elle ne reprendra jamais.

La mainmise de l’industriel persiste jusque dans les années 1980 : Michelin entretient la voirie, perçoit les loyers, ramasse les ordures… Peu à peu, les quartiers Michelin se vident au fur et à mesure que l’entreprise dégraisse.

À partir de 1986, le fabricant de pneus vend ses maisons aux locataires. La même année, il commence à déléguer les missions de service public à la ville de Clermont-Ferrand. C’est le début de la fin de « Michelinville ». 

Louise Martel et Aurélie Pugnet

 

 

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