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Le petit monde de Coquelicot
30 mai 2010

La retraite à 100 ans ....

Quand José Gomez, 78 ans et demi, entreprit l'ascension de la plus haute grue du chantier, André Durafour, son contremaître de 79 ans, eut une appréhension : ce serait trop bête si, à un an et demi de la retraite, José était victime d'un accident du travail. André connaissait les problèmes de santé du grutier : après une hernie discale qui avait tenu celui-ci éloigné du chantier tout l'hiver, il s'était plaint d'un rhumatisme articulaire quelques jours après son retour au travail. Il avait en outre des problèmes de vue. Il avait perdu l'usage de son oeil gauche à la suite d'une partie de pétanque où son partenaire, jeune retraité de 84 ans, avait confondu sa tête avec le cochonnet. De surcroît, son oeil droit faiblissait chaque jour. Sans doute est-ce en raison de ce double handicap que Gomez rata une marche alors qu'il était sur le point d'arriver à cette cabine où il avait passé presque soixante annuités de sa vie. Avant même que le corps du grutier eût atteint le sol, André avait sorti son téléphone portable de la poche de son pantalon, non sans mal car la maladie de Parkinson, dont il était atteint depuis quelques mois, embarrassait ses gestes. Il s'y reprit à plusieurs fois pour composer le numéro des pompiers. Ceux-ci n'arrivèrent que trois quarts d'heure plus tard, leur capitaine de 77 ans s'étant trompé dans la lecture du plan de la ville. En effet, dans l'urgence, il avait oublié ses lunettes à la caserne. L'un des brancardiers, pourtant un jeunot de 73 ans, eut un accident cardiaque pendant le transport du grutier et celui-ci, qui n'avait pas repris connaissance, se retrouva le nez écrasé au sol pour la seconde fois de la journée.


Un journaliste-reporter de la presse quotidienne venait d'arriver en taxi sur les lieux de l'accident. Il ouvrit péniblement sa portière tandis que le chauffeur, plié en deux à la suite d'un mauvais lumbago, ouvrit le coffre et en sortit le fauteuil roulant dans lequel s'installa bientôt le journaliste. Ce dernier poussa sur les roues et arriva à la hauteur de Durafour, qui lui fit un bref résumé des faits. Hélas, dans l'agitation du départ, le journaliste-reporter avait laissé son appareil auditif boulevard Haussmann et ne put donc entendre un traître mot des explications du contremaître. Il rédigea néanmoins son article, qu'il envoya une heure plus tard par mail à son journal. Malheureusement, il se trompa dans la manipulation de son iPhone 12 G et ce fut un autre texte qui arriva à l'imprimerie, de sorte qu'au lieu de l'histoire du grutier Le Figaro publia le lendemain matin un texte plus polémique intitulé : « Peut-on travailler jusqu'à 90 ans ? »

C'était en effet un sujet d'actualité depuis que le gouvernement s'était rendu compte que, malgré la retraite à 80 ans, le déficit budgétaire français n'était pas comblé, loin de là. Un député UMP, connu pour son franc-parler et son audace face au politiquement correct ambiant, avait même risqué, au micro de RTL : « Pourquoi ne pas aller jusqu'à 100 ans ? Ça ferait un compte rond. » Comme de coutume, certains députés de l'opposition, avant même d'avoir réfléchi une seconde à cette proposition insolite mais audacieuse, crièrent au scandale, plongeant le pays dans un immobilisme dont il n'est hélas pas près de sortir.

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