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Le petit monde de Coquelicot
20 juillet 2007

La légende d'Antoine Tassé

Merci à Janek pour m'avoir envoyé cette légende de Mauricie (Québec) !


Antoine Tassé était un colosse qui vécut dans les années 1800. Originaire de la Mauricie, y'a travaillé toute sa vie aux Forges du Saint-Maurice. Droit comme un chêne et fort comme un boeuf, y'avait personne, mais absolument personne, qui pouvait prétendre le battre en combat singulier. En plus d'avoir des muscles d'acier, y'avait un estomac de plomb. Cet homme-là pouvait boire une pleine tasse de métal en fusion, sans ressentir le moindre petit brûlement d'estomac.

(Il boit la tasse et tente de dissimuler ses douleurs).

«Ça va Antoine? »

(Incapable de parler, il lui fait signe que tout est correct).

«Alors comme je le disais, Antoi…»

(Rot) «Excusez-moé, le cuivre ça me donne des gaz.»

Jamais un homme ne l'avait battu aux poings, à la lutte ou la boxe. Y'avait même lutté avec des ours à mains nues. Antoine était indestructible.

«Oui monsieur !»

Par contre Antoine, notre Antoine, n'était pas tellement un homme d'église. D'ailleurs, il disait lui-même :

«L'église c'est comme la cabane à sucre. Une fois par année, c'est ben assez.»

Chacun ses principes ! Croyant qu'il pouvait battre n'importe qui, n'importe quand, n'importe où et n'importe comment, il lança un jour ce défi.

«Des quatre coins de la planète, du ciel et des enfers jusqu'au fin fond de l'univers, je donne tout ce que je possède à la première personne qui réussit à me coucher dans n'importe quelle confrontation.»

La réponse ne fut pas très longue à venir.

«Eh ben… ça parle au maudit !»

Le diable en personne lui était apparu. Il désirait qu'Antoine joue son âme au tire au poignet. Le colosse accepta sans hésitation. Il imposa par contre sa condition.

«Écoute le malin, si je gagne, pendant un an tu vas ensorceler mes outils pour qu'ils travaillent à ma place.»

Le diable accepta. L'homme et la bête s'assirent un en face de l'autre. C'était la première fois qu'on sentait le grand Antoine Tassé vraiment nerveux. Le démon était réputé pour avoir une force extraordinaire, surnaturelle. Ils placèrent les coudes sur la table en s'assurant d'avoir une prise solide et… la joute débuta.

(Il force dans le vide : lui seul voit le démon). (Il force à en devenir rouge, il pousse des cris. Tantôt il perd, tantôt il gagne. C'est une véritable confrontation). (Antoine gagne). «Retourne chez vous, disparais de devant ma face ! Tu diras à tes anges déchus, pis tes démons tordus que t'as trouvé ton maître. Pratique-toi, tu reviendras me voir l'an prochain. Je t'affronte aux mêmes conditions. Tu fixes le jeu, je ramasse le prix!» (Il rit).

Pendant un an, les outils d'Antoine Tassé travaillèrent à sa place dans la fonderie. Le jour de la deuxième confrontation arriva. Cette fois la compétition eut lieu à l'extérieur. Le défi lui-même était différent : le diable voulait sa revanche dans un combat à poings nus. Ce fut une échauffourée de première classe. Le démon s'était bien entraîné, mais Antoine n'était pas resté inactif. Il avait pris les emplois les plus difficiles à la fonderie et, comme ses outils travaillaient déjà, il avait fait deux fois plus d'argent. La lutte perdura, intense, sans merci. Et après une heure de solide empoignade, devinez qui remporta enfin la victoire ? Antoine !

«Pauvre minable ! Retourne chez ta mère, tu me fais pitié ! J'attends l'an prochain, pis t'es mieux d'être meilleur que ça parce je t'envoie au paradis… façon de parler ! J'ai jamais vu ça, plus ça a l'air méchant, moins c'est vaillant 

Ce fut la fortune de notre bonhomme. Il devint une célébrité en peu de temps. Tout le monde parlait d'Antoine Tassé, l'homme qui pouvait faire travailler ses outils pour lui, la seule et unique personne à avoir battu le démon en combat singulier.

«Pis si y'avait pas triché en se servant de ses griffes, ça se serait fait encore plus vite ! J'ai commencé par y sacrer une bonne claque à main ouverte, paf ! drette su'a margoulette ! Y paraissait sonné mais… vite comme le maudit, y m'aligne une droite pis deux gauches ben placées dans l'estomac. Ah ben, y'en n'a pas fallu une de plus pour que le démon se réveille en moi. Façon de parler ! J'y ai dit, vrai comme chu là  : " Prépare-toi le y'able, tu vas en manger une maudite ! " Et je m'élance, le pogne par une corne, pis j'y mets le pied su'a queue. Y pouvait pu s'en aller. Là j'commence à frapper pis à frapper, dix, vingt, trente, quarante coups ! J'me su tout écorché la main su sa maudite carapace. Mais c'est quand que j'y ai fait(e) la prise de l'ours que là, final bâton ! Vous auriez dû l'entendre crier… y faisait pitié à voir… Ça pas été trop long qu'y'a déguerpi sans demander son reste. Moi, le démon, n'importe quand, n'importe où, pis n'importe comment !»

L'année suivante, à la même heure, à la même date et au même endroit, le diable est revenu.

Diablesse : bien habillée, belle femme. «Salut Antoine!»

«Partez madame, j'attends le diable pour y sacrer encore une bonne volée !»

«Antoine!» (Coup de pied aux parties) «C'est moi que t'attends, gros prétentieux. Je le sais que t'es pas un lâche et que t'auras jamais le courage de frapper une femme.» (Coup de poing dans le ventre et prise de tête).

«T'as pas le droit de faire ça!»

«Rappelle-toi notre entente, c'est moi qui fixe les règles de la confrontation.» (Projection et prise du tape-foufoune).

«Tu triches!»

«Paf… une bonne claque à main ouverte sur la margoulette ! Tu m'as l'air sonné mon beau ! Après c'est quoi que tu racontes dont ? Ah oui, c'est une droite, deux gauches ! Ou peut-être… une gauche, deux droites ! Là, je te le dis, prépare-toi, tu vas en manger une maudite.» (Elle le frappe. Combat. Il ne peut rien faire). «Tiens, la prise de l'ours !» (Elle l'étrangle). (Antoine rend l'âme).

Retenez ça comme leçon :

C'est pas parce qu'on boit du métal chaud que ça nous donne du plomb dans la tête.

C'est pas parce qu'on a des muscles d'acier qu'on a nécessairement un coeur de pierre.

C'est pas parce qu'on a une grande langue qu'on peut pas se la faire ravaler.

Surtout par une femme !

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