Grand corps malade
J'ai été très impressionnée samedi soir par le slameur "Grand corps malade", Fabien Marsaud de son vrai nom, qui a été récompensé de deux prix aux "Victoires de la musique". Sa "chanson" "Rencontres" raconte sa vie et vous laisse sans voix ... Pourtant, ce n'est pas du tout mon style mais ce grand garçon à la belle voix grave et aux beaux yeux bleus m'a prise aux tripes. Je me demandais pourquoi Charles Aznavour ne jurait plus que par lui, maintenant je le sais.
Grand Corps Malade aurait pu être un de ses titres, mais c’est son nom
de scène. Surprenant au premier abord, le nom de scène qui sonne sioux
et totem, façon « Danse avec les loups », s’explique en un coup d’œil.
Fabien, c’est un grand corps à trois jambes : les siennes, martyrisées
lors d’un accident, et la béquille qui le soutient et rythme sa
claudication. Grand Corps Malade, c’est un surnom où se mêlent gravité
et humour, comme dans les compositions de ce jeune artiste.
Fabien, avant de devenir un grand corps malade, est un petit garçon
plein de vitalité. Il voit le jour le 31 juillet 1977, à la
Seine-Saint-Denis. Sioux dès l’enfance, sa mère le surnomme « Petit
Chaton Bleu » à cause de ses grands yeux azur. Le chaton grandit bien –
tellement bien qu’il se retrouve devant les paniers de basket - et ne
craint pas l’eau. Mais la piscine, quelques jours seulement avant ses
20 ans, va bouleverser sa vie. Un plongeon mal réceptionné va briser
son corps athlétique et ses rêves de sport. Le corps malade de
plusieurs fractures est évacué par hélicoptère. A l’hôpital, la
sentence est terrible : Fabien ne devrait plus jamais remarcher. Avec
sa volonté de sportif, Fabien combat sa tétraplégie. Même s’il garde
aujourd’hui des séquelles de son accident, l’homme à trois jambes
remarche.
Pendant sa rééducation, les mots qui lui ont toujours servi à écrire
des histoires lui servent de thérapie. Après s’être baptisé, en 2003,
Grand Corps Malade, il va partager ses textes dans les petits bars
parisiens. L’ancien basketteur devient alors slammeur. Avec sa voix
grave et ses textes loin des clichés, Grand Corps Malade se fait une
réputation qui lui permet de passer du zinc aux premières parties – d’Elie Semoun ou d’Edouard Baer, par exemple.
En 2006, son slam dépasse les normes en sortant en CD, en dépassant
parfois les trois minutes ou en ne se contentant pas de l’ a cappella.
« Midi 20 » - titre qui ne fait pas référence à l’heure de son
accident, contrairement à ce que certaines rumeurs pouvaient prétendre
– fait découvrir au grand public sa voix grave et sa poésie d'un
nouveau genre. Les textes de Grand Corps Malade ne sont pas chantés,
mais lus. Le chant est dans sa voix basse, les cordes et les choeurs
qui l’accompagnent et ses métaphores. La vie, la ville, l’amour, tout
inspire la rime à ce slammeur élégant qui pendant « Les voyages en
train » va se « dégourdir le cœur ». Ce Grand Corps Malade livre des
notes optimistes et des mots qui sortent de l’habitude : quand il se
fout de quelque chose, il ne s’en bat pas les couilles, mais les reins.
Le 10 mars
2007, il remporte
deux Victoires de la musique. La première dans
la
catégorie album révélation de l'année, la seconde dans révélation scène.
Rencontres
C’était
sur une grande route, j’marchais là d’puis des jours
Voire des s’maines ou des mois, j’marchais là d’puis
toujours
Une route pleine de virages, des trajectoires qui dévient
Un ch’min un peu bizarre, un peu tordu comme la vie
Evidemment j’étais pas tout seul, j’avais envie d’faire
connaissance
Y’avait un tas d’personnes et personne marchait dans
l’même sens
Alors j’continuais tout droit mais un doute s’est installé
Je savais pas c’que j’foutais là, encore moins où j’devais
aller
Mais en ch’min au fil du temps j’ai fait des sacrées
rencontres
Des trucs impressionants, faut absolument qu’j’vous
raconte
Ces personnages que j’ai croisés c’est pas vraiment des
êtres humains
Tu peux parler avec eux mais jamais leur serrer la main
Tout d’abord sur mon parcours j’ai rencontré l’innocence
Un être doux, très gentil mais qui manque un peu
d’expérience
On a marché un p’tit moment, moins longtemps que c’que
j’aurais cru
J’ai
rencontré d’autres éléments et l’innocence a disparu
Un moment sur mon ch’min, j’ai rencontré le sport
Un mec physique, un peu grande gueule mais auprès d’qui tu
d’viens fort
Pour des raisons techniques on a du s’quitter c’était dur
Mais finalement c’est bien comme ça, puis l’sport ça donne
des courbatures
J’ai rencontré la poésie, elle avait un air bien prétentieux
Elle prétendait qu’avec les mots on pouvait traverser les
cieux
J’lui ai dit j’t’ai djà croisée et franchement tu vaux pas
l’coup
On m’a parlé d’toi à l’école et t’avais l’air vraiment
relou
Mais la poésie a insisté et m’a rattrapé sous d’autres
formes
J’ai compris qu’elle était cool et qu’on pouvait braver
ses normes
J’lui ai d’mandé tu penses qu’on peux vivre
ensemble ? J’crois qu’j’suis accroc
Elle m’a dit t’inquiêtes le monde appartient à ceux qui
rêvent trop
Puis j’ai rencontré la détresse et franchement elle m’a
saoulé
On a discuté vite fait mais rapidement je l’ai r’foulée
Elle a plein d’certitudes sous ses grands airs plein
d’tension
Mais vous savez quoi ? La détresse, elle a pas
d’conversation
Un moment sur ma route j’ai rencontré l’amour
J’lui ai dit tiens tu tombes bien, j’veux t’parler d’puis
toujours
Dans l’absolu t’es une bonne idée mais dans les faits
c’est un peu nul
Tu pars en couille une fois sur deux faudrait qu’tu
r’travailles ta formule
L’amour m’a dit écoute petit ça fait des siècles que
j’fais mon taff
Alors tu m’parles sur un autre ton si tu veux pas t’manger
des baffes
Moi j’veux bien être gentille mais faut qu’chacun y mette
du sien
Les humains n’font aucun effort et moi j’suis pas un
magicien
On s’est embrouillé un p’tit moment et c’est là qu’j’me
suis rendu compte
Que l’amour était sympa mais que quand même il s’la
raconte
Puis il m’a dit qu’il d’vait partir, il avait des
rendez-vous par centaines
Que ce soir il d’vait diner chez sa d’mi-soeur : la
haine
Avant d’partir j’ai pas bien compris, il m’a conseillé d’y
croire toujours
Puis s’est éloigné sans s’retourner, c’était mes derniers
mots d’amour
J’suis content d’l’avoir connu, ça j’l’ai bien réalisé
Et je sais qu’un d’ces quatre on s’ra amené à s’recroiser
Un peu plu stard sur mon ch’min j’ai rencontré la
tendresse
Ce qui reste de l’amour derrière les barrières que le
temps dresse
Un peu plus tard sur mon ch’min j’ai rencontré la
nostalgie
La fiancée des bons souvenirs qu’on éclaire à la bougie
Assez tôt sur mon parcours j’avais rencontré l’amitié
Et jusqu’à c’jour, elle marche toujours à mes côtés
Avec elle j’me tape des barres et on connaît pas la
routine
Maintenant c’est sûr, l’amitié, c’est vraiment ma
meilleure copine
J’ai rencontré l’avenir mais il est resté très mystérieux
Il avait la voix déformée et un masque sur les yeux
Pas moyen d’mieux l’connaitre, il m’a laissé aucune piste
Je sais pas à quoi il r’semble mais au moins j’sais qu’il
existe
J’ai rencontré quelques peines, j’ai rencontré beaucoup
d’joie
C’est parfois une question d’chance, souvent une histoire
de choix
J’suis pas au bout d’mes surprises, là d’sus y’a aucun
doute
Et tous les jours je continue d’apprendre les codes de ma
route
C’était sur une grande route, j’marchais là d’puis des
jours
Voire des s’maines ou des mois, j’marchais là d’puis
toujours
Une route pleine de virage, des trajectoires qui dévient
Un ch’min un peu bizarre, un peu tordu, un peu comme la
vie.