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Le petit monde de Coquelicot
4 août 2022

Canicule et sécheresse

Alors que 93 départements sont concernés par une alerte pour la sécheresse depuis le 2 août, les contrôles des restrictions d'eau se multiplient. 4.000 depuis mai, dont 400 procédures en cours. Un rôle endossé par la "police de l'eau", les agents de l'Office français de la biodiversité.

Dans certaines zones, les stations de lavage sont par exemple à l'arrêt.Dans certaines zones, les stations de lavage sont par exemple à l'arrêt. © Radio France - Valentin Plat

L'eau, une denrée précieuse à protéger, qui se fait rare. "On parle de l'or bleu de plus en plus", confirme Jean-Noël Rieffel de l’Office français de la biodiversité (OFB) dans le Loiret. Ses agents, la "police de l'eau", ont multiplié les contrôles ces dernières semaines, alors que tous les départements de métropole sont désormais concernés par la sécheresse, dont 93 concernés par des mesures de restrictions. 4.000, depuis le début du mois de mai. 

Dans le détail, 93 départements métropolitains sur 96 sont ce mardi en état d'"alerte" pour la sécheresse, avec des restrictions en cours. Les trois derniers, Paris et sa petite couronne, s'apprêtent à passer en état de "vigilance", le premier niveau de l'échelle du ministère de la Transition écologique, avec une simple incitation à faire des économies d'eau. Mais lundi, le ministre de l'Ecologie Christophe Béchu, en visite en Isère, a affirmé que d'autres restrictions d'eau étaient "sur la table".

Les contrôleurs "privilégient la pédagogie"

"Il y a effectivement beaucoup de contrôles en ce moment et on en fait de plus en plus", assure Loïc Obled, directeur général délégué du département "Police, connaissance, expertise" à l'OFB, invité ce mardi sur franceinfo. "On a fait à peu près 500 contrôles au mois de mai, 2.000 contrôles la semaine dernière et on a dédié la semaine qui vient de passer à une grande opération nationale de pédagogie et de contrôle. Et on a doublé ce chiffre puisqu'on arrive aujourd'hui à 4.000 contrôles sur l'ensemble du territoire national." 

Compte tenu des prévisions météo dans les jours à venir, les contrôles vont se poursuivre, prévient Loïc Obled. Mais "nos collègues privilégient en ce moment, et encore plus en cette période de sécheresse prononcée, la pédagogie", assure-t-il. D'autant que les restrictions d'eau varient énormément d'un bassin versant à un autre. Sur un même département, on peut ainsi trouver différents niveaux d'alerte, avec autant de différences de restrictions. 

"On essaye d'annoncer des contrôles, d'être visibles sur le terrain. Et quand on voit qu'il y a une infraction, en accord avec le parquet, on peut, soit faire de la pédagogie, soit, quand les personnes sont un peu plus récalcitrantes, procéder à une verbalisation", détaille Loïc Obled.

à lire aussi "Il ne va rester que des flaques d'eau" : dans le Nord, la sécheresse inquiète la police de l'environnement

Des amendes jusqu'à 7.000 euros

"Nous avons déjà mis des amendes depuis le début de l'été", confirme Loïc Obled. Sur les 4.000 contrôles effectués, environ 400 procédures sont en cours, qui vont du rappel à la loi à l'amende de cinquième classe, soit "jusqu'à 1.500 euros" pour une première infraction, "3.000 euros en cas de récidive" et "peut monter jusqu'à plus de 7.000 euros" pour une personne morale comme une entreprise, "une exploitation agricole par exemple". Un mal nécessaire, pour l'OFB. "L'environnement et la biodiversité sont très dégradés dans notre pays, il faut les protéger, et c'est notre rôle", défend son directeur, Pierre Dubreuil, auprès de l'AFP.

Chaque département dispose de 12 à 20 agents. Pas suffisant compte tenu des circonstances cette année, selon lui, mais il a entamé "un dialogue avec l'Etat pour demander plus de moyens." Agriculteurs, professionnels, collectivités, particuliers, les contrôles varient donc d'un département à l'autre. "On essaie de prioriser en fonction des enjeux" locaux, explique Loïc Obled. "Cela peut être l'eau domestique, l'eau pour l'usage collectif, l'eau pour l'usage industriel ou l'eau pour l'irrigation de l'agriculture".

Les agriculteurs voient leurs cultures dépérir

Certains agriculteurs préfèrent prendre le risque d'arroser malgré les restrictions, pour sauver leurs cultures. "Je suis obligé d'irriguer si je veux avoir de la nourriture pour mes vaches, être autonome", plaide Nicolas Fiolleau, agriculteur sur la commune de Vieillevigne, sur France Bleu Loire Océan. Hubert, agriculteur de Saint-Julien-l'Ars rencontré par France Bleu Poitou, a déjà écopé de plusieurs amendes. Si des dérogations de la préfecture existent pour les cultures essentielles, ses champs n'en font pas partie. "Mes tournesols font la tête", se désespère-t-il. Il ne sait plus comment les sauver. 

Tomates, aubergines, ail, oignons et pommes de terre sont également en souffrance sous les serres de Laëtitia, maraîchère à Ruffey-lès-Beaune, chez qui France Bleu Bourgogne s'est rendu. Ses plants "sont tous petits". Invendables. "C'est catastrophique. On passe 12 heures par jour au travail et il n'y a rien au bout. Cela fait trois ans que je travaille et que je ne gagne rien. C'est dur. Devenir maraîchère, c'était mon rêve. Cela commence à devenir compliqué", dit-elle. Résultat, les agriculteurs de Haute-Saône ont lancé un appel à l'aide à l'Etat, rapporte France Bleu Besançon.

Un manque à gagner pour les professionnels

D'autres professions sont touchées par cette sécheresse. France Bleu Touraine, par exemple, a rencontré le directeur du golf de La Gloriette, Jacques Van Hauwe, qui se dit inquiet pour la suite : "On a forcément des craintes, notamment de ne plus pouvoir arroser les greens. Et là, autant fermer la boutique." 

Autre exemple, une station de lavage auto de Sauxillanges, dans le Puy-de-Dôme. Selon France Bleu Pays d'Auvergne, le propriétaire a écopé d'un rappel à l'ordre. "On voit, avec les traces, que ça été récemment utilisé. Il n'y a pas de panneau d'information qui explique que c'est interdit de laver sa voiture en ce moment", explique Bruno Le Chevillier, le chef de service de l'OFB dans le département. Au téléphone, le propriétaire assure que la station sera mise hors service le soir-même. Pas d'amende pour cette fois, donc. Mais un manque à gagner évident, note France Bleu Armorique, qui a rencontré d'autres professionnels du secteur.

"L'eau utilisée pour nettoyer les voitures est stockée, puis filtrée pour revenir dans nos circuits", s'agace le patron de l'Éléphant Bleu à Saint-Berthevin, interrogé par France Bleu Mayenne où ces stations ont fermé également. Une hypocrisie, pour Ludovic Fraboulet, le gérant de Mouss' Auto à Laval, qui craint que les clients ne lavent leurs voitures chez eux en cachette. Or "un lavage en station c'est 50 à 70 litres, chez soi avec le tuyau c'est 250 à 300 litres d'eau. Écologiquement ce n'est pas top", argumente-t-il.

Les particuliers moins récalcitrants ?

France Bleu Drôme Ardèche a repéré d'autres récalcitrants, comme la commune de Valence, qui va continuer à arroser les arbres de la ville malgré l'interdiction préfectorale. Pour le maire LR de Valence, Nicolas Daragon, arrêter d'arroser serait contre-productif : "Les lieux arborés sont des endroits où les gens se réfugient lorsqu'il fait extrêmement chaud. Si les arbres meurent, nous n'aurons plus que des îlots de chaleurs."

L'office français de la biodiversité mène aussi des contrôles auprès des particuliers. Si les agents ne peuvent pas rentrer dans les propriétés pour vérifier qu'ils ne remplissent pas leur piscine, les contrôleurs peuvent en revanche observer depuis la rue. Mais comme le note Aurélien Viau, directeur adjoint de l'office français de la biodiversité en Loire-Atlantique, "les gens sont bien sensibilisés. On observe d'ailleurs que beaucoup de monde chez les particuliers se sont restreints avant même les mesures."  

"La très grande majorité des contrevenants sont de bonne foi, assure aussi Pierre Dubreuil, directeur de l'OFB. Quand on leur dit de ne pas arroser le jardin ou laver leur voiture, la majorité des gens ne savaient pas, ne comprennent pas, donc on explique sans verbaliser."

Des dégâts sur les animaux sauvages

Les agents de l'OFB sont enfin chargés de surveiller la bonne santé des cours d'eau, et donc de la faune qui y vit. Sur les bords de la Loire, c'est le rôle de Pierre Steinbach, interviewé par France Bleu Orléans, qui prend régulièrement la température de l'eau. Il y a deux semaines, il a relevé plus de 30°C, "une température critique pour plusieurs espèces de poissons, d'invertébrés et de coquillages comme la moule perlière, la truite, le saumon et il y a du saumon en Loire. Pour ces espèces, c'est une température létale qui menace leur survie", s'inquiète-t-il.

En Creuse, la Goze est à sec par endroits et le peu d'eau encore visible est stagnante, a constaté France Bleu Creuse. "En 35 ans de carrière, je n'ai jamais vu ça aussi tôt dans la saison", se désole Patrick Depalle, inspecteur de l'environnement au service départemental de la Creuse. "Les espèces les plus fragiles meurent, et notamment les alevins de l'année - ceux qui sont nés dans l'année. Une année comme ça, il y a vraiment une grosse mortalité, ça fait des dégâts", craint Alain Gaudiau, de l'association de pêcheurs "La Fario" à Til-Chatel, sur France Bleu Bourgogne.

Outre les poissons, les renards, les hérissons, les oiseaux ou encore les écureuils souffrent de la sécheresse, comme le souligne France Bleu Paris dans cet article. "Cette sécheresse va tuer et tue déjà des animaux", prévient Marie-Noëlle Bernard, responsable du Groupe national de surveillance des arbres à Vincennes.

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