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Le petit monde de Coquelicot
14 décembre 2007

La Parlure Québecoyse

parler_quebecois

Je commence à préparer mon voyage au Québec. Nous partirons certainement le 31 juillet pour Montréal et nous reviendrons le 17 août 2008.

Mon amie, Jeannette, m'a envoyé quelques écrits sur le parler québecois, ce qui devrait nous permettre de mieux communiquer.

Ca m'étonnerait que j'arrive à tout retenir !


En 1722, le Père de Charlevoix, jésuite parisien en visite en Nouvelle-France, écrit : "Nulle part ailleurs (qu'au Canada) on ne parle plus purement notre langue. On ne remarque ici aucun accent. "Bon, concédons, c'était au début du 18e siècle. Mais 172 ans plus tard, en 1894, Gailly de Taurines écrit encore : "La distance, le temps ont bien amené, entre le langage des Français et celui des Canadiens, quelques petites différences de prononciation ou d'expressions, mais elles ne vont pas au-delà de celles que nous pouvons constater en France entre nos différentes régions. D'une façon générale, la langue populaire des Canadiens est infiniment meilleure et plus correcte que la langue populaire en France..."

Holà ! Voyez donc mes cousines ! Que de compliments ! Mais ensuite ? Au 20e siècle ?

"Et la Langue Québecoyse n'est doncques pas réductible à ce que ...l'on appelle plus ordinairement "joual", ou parlure jouale. Laquelle parlure on confond souvent bel & bien ... tantôt avecques la langue québecoyse dans sa totalité, tantôt avecques les jurons ou blasphèmes qui la ponctuent, tantôt avecques l'accent, tantôt uniquement avecques nos anglicismes" ...  M. Lalonde, "la deffence & illustration de la langue québecoyse".

Malheureusement, "nos élèves parlent joual," écrit J. P. Desbiens. "Les choses se sont détériorées à tel point qu'ils ne savent même plus déceler une faute qu'on leur pointe du bout du crayon en circulant entre les bureaux. "L'homme que je parle" - "Nous allons se déshabiller" - etc... ne les hérisse pas. Cela leur semble même élégant..."
1960, "Les insolences du Frère Untel".

Réglons tout de suite le cas du "joual". Parler joual, c'est parler cheval, baragouiner d'une manière inintelligible, d'après une prononciation populaire de cheval qui, détrompons-nous,  n'est pas particulière à la Nouvelle-France, mais plutôt héritée des parlers régionaux de France, notamment de l'Ouest et du Centre où le mot est bien attesté sous la forme jouau, tant au pluriel (des jouaux) qu'au singulier (un jouau).

Il n'est pas possible en une page de couvrir toutes les particularités de la langue française au Québec. Le but en sera plutôt de classer ces particularités selon leurs traits distinctifs, de donner en exemple quelques mots et expressions pittoresques de cette "parlure québecoyse", enfin de faire parfois naître un sourire.

Les termes nautiques

Au tout début des colonies de la Nouvelle-France et de l'Acadie, il n'y avait pas de chemins, la mer, les fleuves et autres cours d'eau constituaient les voies principales. L'importance de ce mode de transport s'est reflétée dans la langue. On ne monte pas en voiture, on n'en descend pas, on y embarque et on en débarque. Le linoléum est du prélart, on lave le plancher avec une vadrouille. On est bien greyé (gréé) quand on est bien habillé.  Mon camarade de pêche au Labrador, Acadien originaire de l'Ile du Prince Édouard, me disait le plus sérieusement du monde : "Amarre le navire" en parlant de notre petit canot. En Acadie d'ailleurs, il parait qu'on ne lace pas ses souliers, on les amarre.

Les termes amérindiens

Il était tout à fait naturel d'emprunter aux populations autochtones les mots décrivant l'environnement qui était le leur, comme maskinongé, ouananiche, achigan, touladi, qui sont tous des poissons d'eau douce, et bien sûr les mots de la toponymie comme Ottawa, Québec, Yamaska, Manicouagan, Matagami.

Les archaïsmes

Vieilles prononciations (moé au lieu de moi, de plus en plus rare), vieux usages (espérer au lieu d'attendre, un peu moins rare), vieilles locutions (mais que au lieu de aussitôt que, très courante).

Les noms mis au féminin

Une job, une gang, une cenne (un cent, le sou du dollar), une police (un policier). De la bonne air fraîche, une belle hôtel, une grosse avion, de la belle argent, une sandwich, une patch.

Les dialectalismes

Mots et prononciations importés des provinces françaises : garrocher pour lancer, s'enfarger pour s'accrocher les pieds (dans les fleurs du tapis), achaler pour emmerder, magané pour fatigué, épuisé, ou détérioré s'il s'agit d'un objet. Prononciation du t final comme dans icitte ou pantoute, ce dernier mot dérivé de pas en tout, pas du tout. "J'ai pas eu peur pantoute".

Les anglicismes

La perception des anglicismes n'est pas du tout la même au Canada qu'en France. En France, il semble élégant d'employer des mots anglais même quand on a un joli mot français à sa disposition. Au Québec, Il faut défendre le français contre l'anglais qui est omniprésent. Le Québec a donc remplacé au coin des rues STOP par ARRÊT, le week-end par fin de semaine, le ferry par traversier, un email par courriel, contraction de courrier électronique. Les rollers sont des patins à roues alignées. (Ceci est la position officielle. On trouvera un peu plus bas quelques exemples des dommages causés par le voisinage de l'anglais).

Les innovations canadiennes

L'acériculteur et sa cabane à sucre dans l'érablière, la poudrerie quand le vent souffle pour former des bancs de neige (congères), le panache de l'orignal, la tuque sur la tête.

Expressions courantes

Les trois repas : le déjeuner (matin), le dîner (midi), le souper (soir), comme dans certaines régions de France, le Nord en particulier.

Je suis tanné, c'est platte, j'en ai marre, c'est ennuyant.

C'est pas si pire, c'est bien mais ça pourrait être mieux.

Envoie donc, (prononcer envouaille don), allez, vas-y !

T'es ben fin, tu es bien gentil.

Y'a du monde à la messe !, il y a foule.

Prononciation

Réduction du prénom il en y : Y peut pas v'nir, y'é malade.

Réduction de elle a en aa :  aa pas le temps, aa mal au dos.

Contraction de je suis en chu : chu fatigué, chu tanné.

Prononciation du t final :  un pet(te), un bout(te) (un pet-de-nonne, c'est un pet(te) de sOEur).

Un vieux t final qui persiste, même là où il n'y en a pas:   Y fait frette (froid), pomme pourritte.

Inversions de lettres : l'aréoport au lieu de l'aéroport (faute très très très fréquente).

Choses et objets divers

Une bibitte, un insecte ou un animal (en France on préfère bébête).

Les bibittes à patates, les doryphores.

Les gosses, à éviter, ce sont les testicules. "J'ai laissé mes deux gosses en France..."

Les bobettes, slips ou petites culottes.

Une chicane, un conflit, une dispute.

Une catin est une poupée, pas une prostituée.

Une débarbouillette, le carré de tissu éponge qui remplace le gant de toilette européen.

Une liqueur, ou liqueur douce, boisson gazeuse comme Coca-cola ou Pepsi.

Une piastre, prononcer piasse, un dollar, ou un huard, à cause de l'oiseau au verso de la pièce.

Une tabagie, où l'on vend du tabac et des journaux.

Le dépanneur, le magasin qui dépanne. Une sorte de supérette 24 heures pour toutes sortes de denrées essentielles qui viendraient à manquer quand les supermarchés sont fermés.

Une guenille, un chiffon.

Une tuque, un bonnet tricoté, avec ou sans pompon.

La boucane, la fumée.

Une agace-pissette, la fille qui allume sans accepter d'éteindre (étreindre ?).

Parce que la pissette, c'est ... non, j'vous f'rai pas d'dessin.

La coquerelle, la blatte ou cafard (au Mexique, la cucaracha).

C'est dispendieux, ça coûte cher.

Du blé d'Inde, du maïs en épis ou en grains.

De la tartinade, qui me semblerait plus joli que "pâte à tartiner", comme pour le Nutella.

"La" gang (prononcer gaingue), le groupe, d'amis ou autres (gangs de rues).

Une laveuse, un lave-linge.

Une sécheuse, un sèche-linge.

Un maringouin, un moustique.

Une matante, un mononc', une tante, un oncle.

Ils sont accotés, ils vivent en union libre.

Les vidanges, les ordures.

Le bol des toilettes, la cuvette.  Phrase célèbre dans la famille : Paulette demande: "Où est Patrick ?" - Éric répond de loin : "Patrick ? Y'est sur la bol !  Mamie a beaucoup aimé.

Le -tu

Celui-ci est difficile à intégrer dans l'une des autres catégories. Il s'agit d'ajouter -tu aux verbes pour en renforcer la forme interrogative, que l'on soit à la deuxième personne ou non, comme dans "tu m'aimes-tu ?", "y s'en vient-tu ?", "on y va-tu ?". Il est possible que cet appendice ait trouvé son origine dans le -ti de certaines régions de France, comme dans une chanson de je ne sais plus qui et qui me revient en mémoire: "J'y vas-ti j'y vas-ti pas, j'y vas-ti ? Y faut-ti y faut-ti pas, y faut-ti ?".

On suçote ?

Un cas un peu spécial de mots qui ont différentes significations selon qu'on soit d'un côté ou de l'autre de la Grande Bleue. Que met-on dans la bouche de Bébé pour acheter un peu de paix ? Les anglophones ont un mot très juste pour ce bout de latex et de plastique : c'est un pacifier. Au Québec, c'est une suce, en France une tétine, mais parfois une sucette. Le bonbon fixé à l'extrémité d'un bâtonnet, destiné à être suçoté et qu'on appelle  aussi sucette en France est un suçon au Québec. Et cette petite marque dans le cou qu'on appelle en France un suçon est au Québec... une sucette!

Des actions

Achaler, embêter quelqu'un (celle-ci vient tout droit de la Vendée).

Capoter, paniquer, devenir fou.

Chauffer un char, conduire un véhicule (logique, puisque c'est le travail du chauffeur).

Magasiner, faire du shopping (!).

Minoucher sa blonde, caresser sa petite amie.

Sacrer son camp, partir, se casser, se tirer.

Se pogner le cul, ne rien faire, paresser.

Pogner, séduire, avoir du succès (avec le sexe opposé).

Des anglicismes et américonneries

Slaquer, (to slack), donner du mou, mais aussi mettre à pied (un employé).

Backer, (to back), supporter quelqu'un (ou une proposition).

Ouatcher, (to watch), surveiller.

Chéquer, (prononcer tchéquer), (to check), vérifier, surveiller.

Être badloqué, (bad luck), malchanceux.

Prendre une marche, (to take a walk), faire une promenade à pied.

Un robineux, (clochard), qui boit de l'alcool à friction ou robine,"rubbing alcohol".

Une bécosse, la cabane au fond du jardin, la toilette extérieure (back house).

La boîte à malle, la boîte aux lettres (mail box).

Un ticket (prononcer tickette), une contravention.

Un appointement, (an appointment), un rendez-vous.

Une bonne joke, une bonne blague.

Je vous laisse imaginer le vocabulaire automobile, le char, les brakes, la clutch, le hood, le steering... qui ne fait place que très lentement au français.

Vous avez maintenant tous les éléments pour comprendre la joke suivante :
-   Comment appelle-t-on un policier amérindien? Alalakaouatch (Elle est là qui watche)

Ça devient scabreux. Que les gens aux oreilles sensibles et délicates s'abstiennent d'aller plus loin.

Des insultes

Niaiseux, niaiseuse, cave, épais, sans-dessein, grand flan mou, pisseux, chiâleux, baveux, chien à culottes, tout-nu, mangeux-d'marde, "que la dysenterie te prenne et que tu te vides jusqu'à ce que tes yeux te sortent par le trou de . . . " non, celle-là est chinoise et vient, je crois, de Monsieur le consul, par Lucien Bodard.

Mettre maudit devant ces insultes en augmente l'effet : maudit niaiseux !

Des "sacres"

Le Québécois ne s'écrie pas "Nom de Dieu!" comme le Français, et  Il préfère "maudit !" à  "putain !", dans le même sens. Au lieu du "Nom de Dieu", il a à sa disposition un bon répertoire de "sacres". Un "sacre", c'est ni plus ni moins qu'un blasphème. Il faut, pour bien sacrer, faire appel au vocabulaire religieux. Le champ est large !

Les sacres "durs" : criss, tabernacle ou tabarnak (sur les plages mexicaines, les Québécois sont connus sous le nom de "los tabernacos"), ostie (oui, on l'écrit sans h), calvaire, câlisse, ciboire, viarge, baptême, sacrament. On les combine pour en augmenter l'effet, on les sanctifie ou on les meuble : saint ciboire !  maudit sacrament de tabernac' à deux portes !

Ostie de calvaire de baptême de p'tite boucane !  La p'tite boucane, c'est la fumée de l'encensoir. Bon, j'admets,  j'exagère, j'ai jamais entendu celle-là autrement que sous forme de blague. Mais faut bien rire un peu, non?

Les sacres "mous", versions ramollies et donc moins choquantes : tabarslaque, tabarnouche, calvasse, batêche, sacramouille, cibolaque.

Les sacres peuvent qualifier (un calvasse de bon film), quantifier (y'avait du monde en tabarslaque) ou servir de verbes : crisser dehors (mettre à la porte), crisser une volée (foutre une trempe), déconcrisser (démolir).

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