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Le petit monde de Coquelicot
27 juin 2007

La fraise d'Espagne

C'est tres bon les fraises a condition que......

D'ici à la mi-juin, la France aura importé d'Espagne plus de 83 000 tonnes de fraises. Enfin, si on peut appeler «fraises ces gros trucs rouges, encore verts près de la queue car cueillis avant d'être mûrs, et ressemblant à des tomates. Avec d'ailleurs à peu près le goût des tomates...

Si le seul problème posé par ces fruits était leur fadeur, après tout, seuls les consommateurs piégés pourraient se plaindre d'avoir acheté un produit qui se brade actuellement entre deux et trois euros le kilo sur les marchés et dans les grandes surfaces, après avoir parcouru 1 500 km en camion.

À dix tonnes en moyenne par véhicule, ils sont 16 000 par an à faire un parcours valant son pesant de fraises en CO2 et autres gaz d'échappement. Car la quasi-totalité de ces fruits poussent dans le sud de l'Andalousie, sur les limites du parc national de Doñana, près du delta du Guadalquivir, l'une des plus fabuleuses réserves d'oiseaux migrateurs et nicheurs d'Europe.

Il aura fallu qu'une équipe d'enquêteurs du WWF-France s'intéresse à la marée montante de cette fraise hors saison pour que soit révélée l'aberration écologique de cette production qui étouffe la fraise française (dont une partie, d'ailleurs, ne pousse pas dans de meilleures conditions écologiques). Ce qu'ont découvert les envoyés spéciaux du WWF, et que confirment les écologistes espagnols, illustre la mondialisation bon marché.

Cette agriculture couvre près de six mille hectares, dont une bonne centaine empiète déjà en toute illégalité (tolérée) sur le parc national. Officiellement, 60 % de ces cultures seulement sont autorisées ; les autres sont des extensions sauvages  sur lesquelles le pouvoir régional ferme les yeux en dépit des protestations des écologistes.

Les fraisiers destinés à cette production, bien qu'il s'agisse d'une plante vivace productive plusieurs années, sont détruits chaque année. Pour donner des fraises hors saison, les plants produits in vitro sont placés en plein été dans des frigos qui simulent l'hiver, pour avancer leur production. À l'automne, la terre sableuse est nettoyée et stérilisée, et la microfaune détruite avec du bromure de méthyl et de la chloropicrine. Le premier est un poison violent interdit par le protocole de Montréal sur les gaz attaquant la couche d'ozone, signé en 1987 (dernier délai en 2005) ; le second, composé de chlore et d'ammoniaque, est aussi un poison dangereux : il bloque les alvéoles pulmonaires.

Qui s'en soucie ? La plupart des producteurs de fraises andalouses emploient une main-d'oeuvre marocaine, des saisonniers ou des sans-papiers sous-payés et logés dans des conditions précaires, qui se réchauffent le soir en brûlant les résidus des serres en plastique recouvrant les fraisiers au coeur de l'hiver... Un écologiste de la région raconte l'explosion de maladies pulmonaires et d'affections de la peau.

Les plants poussent sur un plastique noir et reçoivent une irrigation qui transporte des engrais, des pesticides et des fongicides. Les cultures sont alimentées en eau par des forages dont la moitié ont été installés de façon illégale.

2 000 hectares de forêt ont été rasés pour faire place aux fraisiers.
La région d'Andalousie devient une savane, et les oiseaux sont obligés de migrer. On constate aussi la disparition de petits carnivores, des petits lynx, dont il ne reste plus qu'une trentaine dans la région, leur seule nourriture, les lapins, étant en voie de disparition.

La saison est terminée au début du mois de juin. Les cinq mille tonnes de plastique sont soit emportées par le vent, soit enfouies n'importe où, soit brûlées sur place.

Et les ouvriers agricoles sont priés de retourner chez eux ou de s'exiler ailleurs en Espagne.
Remarquez : ils ont le droit de se faire soigner à leurs frais au cas ou les produits nocifs qu'ils ont respiré ...

La production et l'exportation de la fraise espagnole, l'essentiel étant vendu dès avant la fin de l'hiver et jusqu'en avril, représente ce qu'il y a de moins durable comme agriculture et bouleverse ce qui demeure dans l'esprit du public comme notion de saison.

Quand la région sera ravagée et la production trop onéreuse, elle sera transférée au Maroc, où les industriels espagnols de la fraise commencent à s'installer.

Avant de venir de Chine, d'où sont déjà importées des pommes encore plus traitées que les pommes françaises...

PAR Claude-Marie Vadrot
Politis jeudi 12 avril 2007


Source : http://terresacree.org

Devenir conscient, c'est aller voir au delà de la simple apparence, c'est aller chercher la vérité et les conséquences de nos choix.

Régalons nous de fraises de nos régions en pleine saison et laissons la nature et nos corps se reposer quand la saison s'achève. Nous devons sortir de cet engrenage de tout vouloir à tout prix et n'importe quand.

C'est par nos choix conscients que la nature pourra reprendre ses droits.
Il en est de même pour de multiples aliments venus d'ailleurs...

Nous ne pourrons plus dire "je ne savais pas".


La fraise de Huelva

Reportage

Michel Samson

Huelva, envoyé spécial

Le long de la route de Moguer à Mazagon, encore chaude dans le soleil déclinant, marchent de petits groupes de femmes blondes portant des sacs en plastique remplis de courses. D’autres, qu’elles croisent, tirent sur l’asphalte poussiéreux de cahotantes valises à roulettes. A un carrefour, trois femmes mûres font du stop. Elles s’annoncent polonaises et côtoient deux jeunes Marocains, arrivés de Marrakech et Meknès. Derrière eux, de chaque côté de la route, s’étendent à perte de vue des champs de fraisiers. En ce début juin, la plupart d’entre eux ne portent plus de fruits. Partout, dans la région andalouse de Huelva, la récolte de la fraise touche à sa fin. Dans les cohortes de saisonnières, elles sont nombreuses à marcher déjà vers l’autocar qui, en trois jours et trois nuits, les ramènera chez elles. Garé sur un terrain poussiéreux à la sortie de Palos de la Frontera, un vieil autobus, qu’elles appellent "le camion", attend ces partantes pressées de rentrer au pays maintenant que le travail manque. Plus loin, vers la station balnéaire de Mazagon, un chemin de terre s’enfonce entre les champs vers un complexe chimique dont les cheminées dominent la plaine sablonneuse. Au milieu des serres encore en activité ou déjà démontées, se succèdent des maisonnettes blanches à toit plat : une porte métallique, deux fenêtres. Ce sont des dortoirs : brûlants l’été, froids l’hiver. Là sont logées les dizaines de milliers de ramasseuses étrangères, ces saisonnières qui font la richesse de la région de Huelva, petit coin d’Andalousie océanique devenu, depuis les années 1970, le paradis de la fraise. Bien qu’espagnole, cette agriculture, essentiellement exportatrice, avec ses milliers de tonnes de fruits produits chaque année (286 000 en 2004, 87 % à l’export), n’a plus grand-chose de méditerranéen, hormis son nom. Huelva est le royaume de la fraise camarosa, une variété brevetée. Les semences ont été mises au point au soleil de la Californie. C’est là que le pionnier espagnol, Antonio Médina, est allé se fournir, dans les années 1960. C’est toujours le cas. Aujourd’hui, l’entreprise Las Madres y achète les plants, puis les commercialise, après pépiniérage, dans toute la région. La cueillette de la fraise reste totalement manuelle. La main-d’oeuvre est donc un élément majeur du coût de production de ce fruit fragile, et une préoccupation permanente des producteurs. Aujourd’hui, elle vient du Maroc, de pays subsahariens, un peu d’Amérique latine et pour plus de la moitié d’Europe centrale et de l’Est, majoritairement de Pologne et de Roumanie. Ce sont ces femmes qu’on voit marcher sur les chemins ou qu’on aperçoit depuis la route faire leur lessive près de leurs dortoirs blancs, interdits aux hommes et cernés de grillages. Depuis le milieu des années 1990, la plupart viennent dans le cadre d’un "contrat d’origine" signé par les gouvernements de Varsovie et de Bucarest avec l’Espagne. Il s’agit d’une forme d’"immigration choisie", mais temporaire, mise en place par les organismes patronaux espagnols de la fraise. Leurs représentants se rendent sur place pour choisir leurs bras, après une sélection sur dossier effectuée par les gouvernements. Le succès est au rendez-vous. Une Roumaine de Bucarest se souvient qu’"au moins 4 000 personnes attendaient devant le bureau le jour de l’embauche". Elle a campé là "trois jours et deux nuits" avant l’ouverture des inscriptions. Hormis le fait qu’elle n’était "pas grosse", elle ne sait pas pourquoi elle a été choisie. La seule question qui lui fut posée fut de savoir "si elle connaissait quelqu’un en Espagne". Elle n’y connaissait personne, elle a été prise. Ce jour-là fut, dit-elle, "certainement (son) jour de chance". L’étonnement initial s’accroît encore quand on parle avec ces femmes. Roumaine de 23 ans, Cristina est venue la première fois en 2004, avec sa mère de 45 ans. Elle a trouvé le travail "correct" et précise : "Je suis jeune, j’ai des forces, alors ça allait. A 27 euros la journée et 35 jours de travail sur trois mois passés ici, j’ai pu payer mon année universitaire en droit et langues étrangères." Depuis, elle est revenue chaque année. A Huelva, elle a eu des ennuis avec un patron harceleur, contre lequel elle a gagné son procès. Les 500 euros d’indemnités, dit-elle, vont bien l’aider quand elle s’en retournera, une fois la cueillette terminée, passer ses examens au pays. Sa mère, seule pour élever deux filles, a abandonné son métier de comptable pour venir cueillir la fraise. Quant à la soeur de Christina, elle est restée au pays, où elle étudie la médecine. Eléna, une Ukrainienne de 26 ans, a fait une école hôtelière. Elle a pu obtenir la possibilité de rallier l’Espagne parce que sa belle-mère est une actrice très célèbre dans son pays. Rencontrée au siège de la COAG (Coordination des organisations d’agriculteurs et d’éleveurs, le plus à gauche des syndicats paysans espagnols), une autre Cristina, 32 ans, est devenue, après quatre saisons aux fraises, "médiatrice" du syndicat d’agriculteurs. Auparavant, elle ne connaissait rien à l’agriculture : elle était directrice de publicité en Roumanie ! Interrogée sur sa présence en Andalousie, elle hausse les épaules : "Le salaire est tellement plus grand." Quant à la médiatrice bénévole roumaine de la Croix-Rouge, qui vient d’être honorée d’une médaille, elle aussi ramasse la fraise : dans la vie, elle est diplômée de sociologie et de psychologie... Si elles se disent finalement heureuses d’être venues ici, ces femmes parlent aussi volontiers de la dureté des conditions de travail. Deux Gitanes de Bucarest montrent leurs reins en grimaçant : "Difficile, trop difficile", dit la plus jeune, 30 ans et deux enfants au pays. Michaëla, 37 ans, qui a laissé son gamin de 9 ans chez sa mère, était ouvrière dans le textile avant de devenir chômeuse. En Espagne, elle a travaillé chez un propriétaire qui employait près de cent ramasseuses. La chef d’équipe était roumaine et "très, très dure", raconte-t-elle. "Les jours de presse, on ne te laissait pas aller aux toilettes ni même boire tant que tu n’avais pas rempli toutes tes cagettes." Sa collègue, l’étudiante en droit Cristina, décrit un système pervers : "On nous disait que les vingt personnes qui ramassent le moins n’auraient pas de travail le lendemain. Mais on ne nous disait pas combien de cagettes cela représente : alors c’était la folie, tout le monde se déchaînait." Même pression dans les grands ateliers de conditionnement des coopératives. Elena, qui y a travaillé plusieurs mois, se souvient que "les chefs criaient après tout le monde pour qu’on aille toujours plus vite". Mais elle a aussi été femme de maison et conclut : "La fraise, c’est dur. Mais je préfère ça au travail de bonne : au moins tu vois du monde." Autre point de contestation souvent soulevé : le logement. La médiatrice de la COAG en convient : "En deux ans, c’est pour des problèmes de cohabitation que j’ai été le plus souvent sollicitée. Comme elles viennent de régions différentes et sont souvent énervées, les femmes ont du mal à s’entendre." Michaëla : " On rentre crevées après la cueillette et on nous parque à douze par chambre, avec rien d’autre qu’une petite cuisine et pas de meubles, à 7 kilomètres du village le plus proche." La Cristina étudiante en droit a vécu la saison "à huit par chambre, avec des lits superposés et rien d’autre". Elle s’indigne que la visite des hommes soit interdite, que la fermeture des grilles soit imposée à 19 h 30, avec une sanction terrible en cas de retard le soir : "Pas de travail le lendemain." Elle rit pourtant quand elle raconte : "Une fois, on a été au cinéma. Pour rentrer, on a dû faire le mur. Comme des voleuses." Toutes le répètent : l’employeur conservant leur passeport, elles se sentent "complètement prisonnières". Maria, animatrice du Syndicat des ouvriers agricoles (SOC) local, bataille avec fougue contre ces conditions de travail "indignes". Elle constate que les agriculteurs, dont beaucoup sont eux-mêmes d’anciens ouvriers agricoles andalous, ont du mal à "comprendre les revendications des femmes". Même quand ils sont de bonne volonté, comme Eduardo Dominguez Cano, moustache sombre et mains calleuses, responsable des migrations au syndicat agricole COAG. Ce syndicaliste convaincu, fier d’avoir été décoré en Roumanie d’une médaille ornée d’une fraise, rêve d’une "bonne entente" entre les petits agriculteurs huelviens, désormais menacés par la fraise marocaine - et peut-être bientôt par la fraise chinoise, au coût de revient bien plus bas encore - et les ouvrières "qui gagnent plus que le double de ce qu’elles gagnaient dans leur pays, quel que soit leur métier". Et cet homme, qui connaît quelques difficultés avec un gouvernement roumain qu’il trouve parfois peu coopératif, de conclure : "C’est l’Espagne qui aide la Roumanie, pas la Roumanie qui aide l’Espagne." Il doit dire quelque chose de fort : aussi sévères soient-elles sur les conditions de travail, aucune des femmes rencontrées n’a dit avoir le moindre regret d’être venue travailler dans cet eldorado fraisier.

Repris de Le Monde, 14.06.06

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Commentaires
D
Coquelicot nous sommes dans le temps des fraises...et elles sont très bonnes..et il faut que je fasse attention parce que j'en mange trop et surtout avec de la bonne crème et de la cassonade ...et parfois c'est l'estomac qui en souffre...je suis une gourmande ah!ah!<br /> <br /> Merci pour les informations très intéressants.<br /> <br /> Amicalement Dio xxx Bonne journée
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