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Le petit monde de Coquelicot
25 janvier 2007

Le droit au laisser mourir

Hier soir, j'ai regardé l'émission de Mireille Dumas "Vie privée, vie publique" qui se terminait par une interview de Laurent Malet, un comédien que je ne connaissais pas, qui racontait comment, avec son frère jumeau, Pierre, et l'aide d'un médecin et d'une infirmière, ils ont abrégé les souffrances intolérables de sa mère, Florence.

Ca m'a rappelé la fin de vie de mon oncle paternel, Ritou, mort dans des souffrances atroces, après avoir été opéré deux fois de tumeurs cérérables.


Quand la médecine continue de se préoccuper plus de la maladie que du malade. En 2003, le cas de Vincent Humbert, ce jeune homme tétraplégique, aveugle et muet qui demandait à mourir, avait ému la France. Plus de trois ans après, le débat sur l'euthanasie est relancé par un livre du comédien Laurent Malet, En attendant la suite (Le Cherche Midi). L'acteur y raconte comment, il y a vingt ans, il a aidé sa mère, atteinte d'un cancer cérébral incurable, à mourir. Une euthanasie pratiquée dans la clandestinité avec l'aide d'un médecin, comme cela arrive encore aujourd'hui en France.

Après l'affaire Humbert, une loi instaurant un droit au « laisser mourir » a été votée en 2005. Elle permet l'arrêt de traitement d'un malade inconscient, en accord avec la famille et les médecins, et met fin à certaines formes d'acharnements thérapeutiques. Selon Jean Léonetti, député UMP et coauteur du texte, des milliers de malades ont vu leur traitement interrompu. Mais la loi ne règle pas tout, notamment pas les cas similaires à celui de Vincent. En novembre, Hervé Pierra, un homme de 29 ans en état végétatif chronique, en a bénéficié. Les médecins ont retiré la sonde gastrique qui le maintenait artificiellement en vie et le patient a mis six jours pour mourir de faim et de soif, avec d'importantes convulsions. Pour Jean Léonetti, ce n'est pas la législation qui est en cause, mais son application.

Une explication qui ne convainc pas Marie Humbert, la mère de Vincent, qui se bat depuis la mort de son fils pour faire évoluer la législation en faveur de l'euthanasie active. En mars, elle devrait témoigner devant les assises de la Dordogne au procès d'un médecin et d'une infirmière poursuivis pour avoir aidé une patiente en fin de vie à mourir. Marie Humbert compte profiter de cette tribune pour demander à nouveau une évolution du droit. La proposition de loi d'initiative populaire « Vincent-Humbert », lancée par l'association Faut qu'on s'active, devrait prochainement recueillir 300 000 signatures de soutien. Dans certains pays européens, cela permet de déclencher une discussion au niveau législatif. Pas en France. Marie Humbert a demandé des rendez-vous aux principaux candidats à la présidentielle. « Les réunions que je fais dans toute la France rassemblent de plus en plus de monde, explique-t-elle. Les gens viennent raconter leurs expériences, comment leurs proches sont morts dans des souffrances atroces. Ces gens-là, il faut les entendre. »

David Carzon


laurent_malet

 

Laurent Malet a tourné sous la direction des plus grands réalisateurs, mais il n'évoque ici sa carrière qu'en toile de fond d'un livre dont le personnage central est sa mère Florence. Axe autour duquel lui et son frère jumeau Pierre avaient bâti leur enfance, telle une forteresse inexpugnable, au soleil du Midi de la France.

C'est cette enfance solaire qui éclaire en contrepoint le crépuscule de la vie de leur mère, atteinte d'un cancer.

Albert Cohen a eu raison d'écrire que les fils ne savent pas que leurs mères sont mortelles.

Les jumeaux monteront la garde auprès de leur mère pour l'escorter jusqu'au bout de son combat contre la maladie et accomplir le plus bel acte d'amour qui soit, libérer celle qu'ils aiment de ses souffrances.

Récit pudique et émouvant, "En attendant la suite" est à la fois un hymne à l'enfance et un chant d'amour à une mère disparue.

C'est l'amour qui fait qu'on finit pas accepter d'entendre

A l'occasion de la sortie du livre de Laurent Malet (En attendant la suite, Le Cherche Midi), 20 Minutes a organisé une rencontre entre l'acteur et Marie Humbert. Deux histoires différentes, mais qui se rejoignent. Deux histoires d'amour, au bout du compte.

1. LA MALADIE

Est-on préparé à affronter de telles épreuves ?

Laurent Malet : Bien sûr que non. Je n'avais aucun moyen de pouvoir apprécier la gravité de la situation. Au départ, ma mère a eu un cancer du sein. Huit ans plus tard, une migration osseuse, une petite tache quelque part sur une dorsale. Ce n'est pas grand-chose, une petite tache sur un os. Il y a un traitement, ça fonctionne, affaire classée. Finalement, il y a une récidive cérébrale. Pour moi, ça n'était pas mortel alors que ça l'était. Cette donnée-là m'a échappé.

Comment en parliez-vous avec votre mère ?

L. M. : Elle était persuadée qu'elle allait s'en sortir, qu'il fallait se battre. Mais on n'en parle pas forcément. Ces choses, on les sait, elles sont induites. Je pense que Marie Humbert sait de quoi je parle. Les mots sont simples, le regard dit tout.

Marie Humbert : Avec Vincent, c'était par sensation, quand on se touchait. Vincent avait ses yeux cousus, on ne pouvait pas parler, je communiquais avec son pouce. Il y avait des sensations, on arrivait à se comprendre selon la manière dont il me touchait. Ce sont des instincts qu'on a en nous.

2. Les MEDECINS

Quels rapports aviez-vous avec les médecins ?

L. M. : Tout cela est dans une espèce de flou artistique. Heureusement, avec mon frère [Pierre Malet, également comédien], nous étions deux pour rechercher des informations face à l'opacité de la médecine. En plus, à l'époque, il y avait le secret du dossier médical. On ne pouvait pas confronter les avis. Nous y sommes arrivés en piratant notre dossier, nous avons fait des photocopies de comptes rendus de scanners. On allait jusqu'à enregistrer les entretiens avec les médecins. On réécoutait tout, on cherchait les silences, les gênes. Comme on est comédiens, on sait comment s'y prendre pour noyer le poisson, dire les choses à moitié...

Quand votre fils a demandé à mourir, comment a réagi l'équipe médicale ?

M. H. : Personne ne lui répondait. On a même dit que Vincent n'avait pas toute sa tête. J'ai demandé au conseil d'éthique de Paris de faire une expertise. Ils sont venus, ils sont restés trois heures avec Vincent. Un mois après, ils ont envoyé leur rapport personnellement à Vincent pour lui dire qu'il avait toute sa tête, mais qu'il était trop jeune pour mourir.

3. La mort

Comment en arrive-t-on à l'idée que la seule solution, c'est d'aider l'autre à mourir ?

L. M. : Dans le livre de Vincent [Je vous demande le droit de mourir, Michel Lafon], il y a une chose très émouvante. C'est quand vous, Marie, vous acceptez d'envisager l'idée qu'il vous propose, alors que vous mettez le sujet de côté, pensant que ça irait mieux. J'en parle parce que je l'ai vécu aussi quand ma mère nous disait : « Aide-moi maintenant tout de suite, la suite. » On savait ce que ça voulait dire, mais c'était nous qui refusions d'accepter d'entendre cette demande. C'est l'amour qui fait qu'on finit par accepter d'entendre. Il n'y a pas une histoire qui se ressemble, mais cela se passe souvent de la même façon.

M. H. : Vincent savait, il entendait les kinés qui disaient que c'était foutu. Il me laissait dans mon délire, jusqu'au jour où il m'a dit : « Maman, un jour tu vas comprendre que c'est fini pour moi. » Un soir, il en a eu marre, il a pris ma main et il m'a dit : « Tu ne m'aimes pas, si tu m'aimais, tu me tuerais. Tu veux me garder pour toi. » Ça m'a fait un électrochoc, je me suis dit qu'il avait raison.

L. M. : Un jour, le médecin généraliste nous a dit : « Maintenant, on la garde pour vous. » J'en ai parlé avec mon frère. Ça a été très simple, je lui ai dit : « Je crois qu'il faut le faire. » Il m'a demandé : « Quand ? Maintenant ? » Je lui ai dit : « Oui. » On a parlé au généraliste, il savait qu'on allait le faire et qu'on n'en parlerait pas. On m'a évité d'accomplir le geste physiquement, je ne sais pas si j'en aurais eu la force. J'aurais eu du mal à continuer à vivre avec ce geste.

4. La Loi

Tout se fait dans la clandestinité. Comment analysez-vous votre geste aujourd'hui ?

L. M. : Cette affaire est un secret de Polichinelle. Ce sont des actes qui sont pratiqués dans certains services, tous les jours, à l'instant où on parle. Il ne s'agit pas d'être pour ou contre. Cela concerne tout le monde. Ce n'est pas un droit à mourir, c'est un droit à conduire librement et dignement sa vie jusqu'à son dernier instant.

M. H. : C'était humain d'aider Vincent. C'étaient des souffrances. Pour qui ? Pourquoi ? Il avait un coeur de 20 ans, il aurait pu vivre trente ans comme cela, dans des souffrances pas possibles, sans voir, sans parler. On ne peut pas faire vivre les gens contre leur volonté.

Recueilli par D. C.


Interview de Jean Léonetti, député UMP et coauteur de la loi sur le droit au "laisser mourir".

Le cas d'Hervé Pierra, qui a mis six jours à mourir après que sa sonde gastrique a été débranchée pour l'aider à mourir, remet-elle en cause l'application de la loi ?

Non, la loi n'est pas en cause. Le problème, c'est la souffrance que peut ressentir le malade ou la famille du malade. Dans ce cas précis, le patient était inconscient et ne souffrait pas, malgré les convulsions apparentes. Mais la souffrance que peut ressentir la famille face à la douleur supposée de leur proche existe. Ce n'est pas une fin apaisée, alors que le but de la loi est de permettre une fin apaisée. Il faut améliorer l'application de la loi, qui n'a pas été appréhendée de manière globale.

Comment cela est-il possible ?

Tout doit être fait pour que cette souffrance ne puisse pas être ressentie. Après avoir arrêté un traitement et débranché les appareils qui maintenaient en vie, les équipes médicales ne doivent pas abandonner les malades et la famille. Cette souffrance, qu'elle soit ressentie ou non, on doit faire en sorte de la traiter, de la supprimer, quitte, éventuellement, à rendre le malade totalement inconscient. C'est à la portée du corps médical.

Une fois cet accompagnement amélioré, il n'y aura plus de problème ?

La loi a déjà bénéficié à des milliers de personnes qui ont pu arrêter leur traitement et partir de manière apaisée, avec un accompagnement médical. On ne peut plus aujourd'hui maintenir artificiellement en vie quelqu'un qui ne le souhaite pas.

Recueilli par D. C.

©2006 20 minutes

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