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Le petit monde de Coquelicot
12 janvier 2007

Michèle Bernard

Mon amie inconnue

"Ma fragile, ma fragile, ma copine".

Comment écrire simplement quelques mots sur Michèle Bernard, quand on l'aime autant, et qu'on la sait si fragile.
Quand on a reçu le choc consolateur parmi les forêts pluvieuses des jours, de ces "petits cailloux verts de la Durance", chanson élémentaire de tout le désarroi et de la tendresse du monde, on ose à peine parler de cette grande sœur si proche de nous.

Et puis la grande présence de son absence, les quelques nouvelles éparses jusqu'à la lumineuse invite "Quand vous me rendrez visite". Auteur, compositeur, interprète et accordéoniste, Michèle Bernard est aussi comédienne. Chanteuse depuis 1978 elle a humblement  tenté de remplir les nuits noires avec plein de monde.

Parfois le découragement aussi et ses longs silences (depuis 1992 !), et nous étions orphelins de ses douces révoltes de cette envie inconnue. Puis en mars 1997, au café de la Danse, un nouveau spectacle soutenu par Anne Sylvestre est venu comme une pluie heureuse nous rappeler l'étrange douceur, l'étrange réalité de sa voix d'absinthe.

Maintenant l'on sait qu'il existe une boule de tendresse et de houle nommée Michèle Bernard. Son écriture est comme elle, pugnace et profonde.

"Dans une année, je n'écris peut-être que quelques semaines. Mais j'y pense tous les jours. Comme un hamster, je stocke ce qui m'émeut. Je note tout sur un carnet et, au moment d'écrire, toutes ces impressions, toutes ces anecdotes ressurgissent. " Belles sont  les provisions de Michèle.

 

Funambule entre le léger et le grave, entre le réaliste et le rêve fou, Michèle Bernard nous revient de façon inespérée, plus belle encore que dans nos souvenirs. Avec son accordéon, ses mots gris-gris elle "revient de si loin derrière son visage", dans le sang de ses mots et toute l'angoisse de l'avoir perdue s'évapore.

Quand "il devient trop étroit de vivre" il faut écouter Michèle Bernard. Drapeau qui bat et qui claque encore au vent des espérances. Mots de rage, mots de velours, Michèle trace avec son accordéon un chemin d'humanité.

"Rien qu'une chanson qui t'fait du bien/Mais tout entière, couplet refrain..."

Michèle Bernard chante encore et la fête viendra. Elle et son piano du pauvre, son accordéon comme une offense au goût des riches, elle semble cette chanteuse populaire qui chantait dans nos cours. Et quelque monnaie tombait parfois de fenêtres vite refermées.

Bien sûr elle sait encore le goût aigre du monde décalé, où tout se déglingue lentement, où l'on rate son train, où l'amour est en retard. Mais même si chacun est dans son désert, Michèle Bernard par la beauté de ses chansons (des "rêves réverbères"!) apporte de l'espoir a la volée, de la rosée sur les trous de la terre.

Elle a pour voisins de palier tous les opprimés de la Terre, surtout sa chère Louise Michel celle qui est L'oiseau noir du champ fauve. Elle chante les chansons que Louise n'a pas eu le temps de nous dire, fauchée non pas par la mitraille, mais par le bagne infâme de la Nouvelle-Calédonie, et par la maladie enfin à Paris.

"Dans une époque désemparée et désenchantée, j'ai eu envie de réécouter la petite musique de ce personnage   austère et fascinant qui a "jeté son cœur à la Révolution" alors qu'elle se rêvait poète et musicienne."

 

 

La vierge rouge reprenait ses airs grâce à un tout petit bout de femme, qui est mille barricades contre la bêtise à elle seule. Quand Michèle Bernard s'avance sur scène, c'est toutes les femmes libres et combattantes qui l'accompagnent.

Tous les visages anonymes, ceux des petites vies des ouvriers sont sous ses fenêtres. Elle les aime et elle les chante avec sa tendresse solidaire, son ironie douce. Du haut de ses trois pommes qui font sa taille elle porte loin très loin. Son visage d'enfant soit en colère et rage, soit entre tendresse et larmes est illumination.

Elle a "au cœur une plaie ouverte", et demeure pourtant une messagère d'utopie et d'espérance.

Petit bout de femme obstinée, ouvrière des mots quotidiens, elle est joie simple dans les clairs-obscurs. Elle est aussi la voix de la colère qui monte des faubourgs du monde contre les nantis repus. Elle reprend haut et fort les cris de la " Vierge rouge, la Bonne Louise»
Douce et sauvage, femme et lumière, voilà plus de vingt ans que Michèle Bernard a le dur désir de durer. Sa voix vibrante s'appuie sur la poésie des rues et des brins d'herbe, des amis trop lointains et des douleurs trop proches.

Michèle Bernard croit à la puissance de la vie, à la fraternité des rencontres. Ces mots si justes, tendres ou amers frappent  en plein cœur en donnant du sens à nos journées. Le "Temps des cerises" reviendra avant le dernier soupir de ton accordéon. Tes amis, tous les opprimés, le chantonnent derrière toi. Ils nous disent de nous rappeler ce temps si proche où tant n'étaient que "chair à pavé, chair à travail, chair à patron, chair à trottoir, chair à prison, chair à scalpel pour les savants, chair à fusils pour tous les va-t-en-guerre."

Michèle Bernard s'est trouvée un territoire dans le chant et une tanière dans la géographie dans un petit village à une heure de Lyon, un village dans le parc du Pilât au sud de Lyon, Saint-Julien-Molin-Molette.

"En pleine campagne, c'est un village d'anciennes usines. Je vis dans une ancienne fabrique textile. Pour moi qui suis très sensible à la chanson populaire, au thème du travail ouvrier et des luttes, c'est un lieu qui m'inspire. J'y ai aménagé ma tanière. "

Au coin de toutes nos rues, elle chante avec son accordéon, et toutes nos rues intérieures sont plus belles. Plus sereine, plus dans le vif de la vie:

"J'ai moins peur de la douceur et du silence. Je me sens moins comme un bazooka."

On boit à sa tendresse, on boit à sa lucidité.

Et tout sera simplement comme dans cette autre vie, tu viendras.
  . "Ma fragile, ma fragile, ma copine".

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