Mésanges
La femme qui sait parler aux oiseaux
Chaque fois que je me promène dans le parc, je la vois, arrêtée à la sortie du tunnel d'épinettes, là où l'espace est plus aérée, où bouleaux, aubépines, vinaigriers et autres buissons s'éparpillent sur l'étendue gelée. Emmitouflée dans un anorak vert sombre, un paréo coloré en guise d'écharpe, une tuque de laine sombre enfoncée jusqu'aux yeux. Ses bottes marron, de fabrication indienne, couvrent, jusqu'aux genoux, son pantalon de velours noir.
La tête haute, le sourire aux lèvres, le bras droit tendu vers l'avant, la paume de la main tournée vers le ciel, elle attend. Telle une statue, elle est parfaitement immobile, silencieuse, indifférente à la neige qui tombe finement, régulièrement et qui emplit peu à peu les plis de son blouson. Le froid qui commence à m'engourdir, ne semble pas l'atteindre.
Sa main dégantée contient quelque chose que, de l'endroit où je me trouve, je ne peux distinguer. Depuis quand est-elle plantée là? Pour quelle raison? Soudain ses lèvres bougent, sa gorge émet un son semblable à un chant d'oiseau. Alors une nuée de mésanges à tête noire envahit les arbres et arbustes qui l'entourent. A tour de rôle les oiseaux viennent se poser sur le bout de ses doigts et, sans crainte, picorent une graine s'envolent pour revenir quelques minutes plus tard.
Ce ballet aérien, accompagné de chants, dure jusqu'à ce que sa main rougie par le froid, jusqu'à ce que ses doigts durcis par le gel ne puissent esquisser le moindre mouvement. Alors elle laisse les dernières graines tomber au sol et abandonne son poste.
La dernière fois, elle m'a vue, s'est approchée, a déposé dans le creux de ma main une poignée de graines de tournesol (décortiquées), puis s'est éloignée de quelques pas, a appelé ses amies. Je ne sais pas ce qu'elle leur a dit, mais les mesanges sont venues sur le bout de mes doigts.....
Mireille - 2001