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Le petit monde de Coquelicot
15 décembre 2006

Anne Sylvestre

anne_sylvestre

Une chanson que j'aime particulièrement et dans laquelle je me reconnais.

Carcasse

Sûr qu’on ne s’est jamais quittés
Depuis ce jour fleuri de roses
Où sans y comprendre grand’chose
Toi et moi on s’est rencontrées
On a grandi sans y penser
Je t’ai fait prendre quelques bûches
Tu m’as évité les embûches
Des lunettes et des bras cassés
Ta fièvre, moi, je l’aimais bien
Quand tu me collais des angines
Je voyais des dragons de Chine
S’agiter sur mes papiers peints
      

 

Carcasse
Sait-on bien comment ça se passe?
On occupait la même place
On ne s’est jamais rien demandé
Sans blague
Mes souvenirs sont dans le vague
Comme les branches qu’on élague
À l’arbre où l’on s’est balancé

 

J’ai commencé à deviner
En arrivant vers quinze ou seize
À sentir un certain malaise
Qu’on n’était plus bien accordées
Toujours on se contrariait
Tu dévorais, j’étais frugale
Et je nourissais tes fringales
En rêvant que je m’envolais
Un mauvais jour, j’ai découvert
Ton grand nez, j’ai trouvé ça moche
Mais tu m’as dit : ” Pauvre caboche
Regarde un peu, tu as les yeux verts”
               

 

Carcasse
On s’épiait devant la glace
J’avais les peurs, toi les audaces
On ne pouvait rien décider
En somme
C’est moi qui me méfiais des hommes
Et toi qui les désirais comme
Une grand’voile à ton voilier

 

J’espère qu’à notre chemin
Il n’y a qu’une moitié de faite
Je nous vivrais bien d’autres fêtes
Je te ferais marcher plus loin
Je rêve encore de te changer
J’essaie toujours, mais tu renacles
Et tu me bâtis des obstacles
Où je ne peux que trébucher
Mais sans même viser trop haut
Je veux que tu soies, vieille bête
Au moins aussi bien dans ma tête
Que moi je suis bien dans ta peau

 

Carcasse
Faut que tu marches ou que tu casses
Mais si je te regarde en face
Il n’y a pas de quoi prendre peur
T’existes
Et puis t’es pas tellement triste
Surtout depuis que tu résistes
Au vent qui malmène les fleurs
            

 

On a beau savoir qu’il faudra
Que toi et moi on se sépare
Vois-tu, j’ai de la peine à croire
Qu’un jour ça nous arrivera
On peut essayer si tu veux
De repousser plus loin la cible
Moi Je ferai tout mon possible
Mais faudra que tu m’aides un peu
Et quand tu arriveras au bout
Pourvu que ce soit moi qui veille
On arrivera bien, ma vieille
À résister encore un coup
         

 

Carcasse
On n’y peut rien, les années passent
Sur toi le temps laisse des traces
Et je sens que je change aussi
Avance
Ton arme à toi c’est l”espérance
À chaque jour qui recommence
On recommence notre vie

 

Carcasse
Depuis longtemps, quoi qu’on y fasse
Et jusqu’à ce qu’on se défasse
Tu restes ma meilleure amie.

 

Apparue à la fin des années 50, juste avant que la vague yéyé ne balaie les chanteurs issus du vivier des cabarets rive gauche, Anne Sylvestre «fait son retour» en permanence, depuis près de quarante ans. Affublée de l'étiquette — qu'elle déteste — de «Brassens en jupon», à une époque où très peu de femmes osaient signer les textes et musiques de leurs chansons, elle a vite imposé, du haut d'une voix envoûtante et d'un langage travaillé (avec des idées «en avance sur leur époque»), un personnage de troubadour au féminin, préfigurant tel Cabrel ou Duteil. On ne peut évoquer l'histoire de la chanson en France sans Anne Sylvestre, et l'histoire des femmes ne peut s'écrire sans Sorcière, ou Non, tu n'as pas de nom. Depuis quelques années, elle s'est retrouvé un public jeune — celui qui, enfant avait été nourri de ses fabulettes? Bouillonnante d'inspiration, elle enchaîne album sur album, son dernier mêlant, comme à l'accoutumée, les bouffonneries rosses (pour évoquer les automobilistes mâles ou les intermittents du spectacle) aux grandes mélancolies, toujours avec cette exigence de langage et d'idées qu'on lui connaît.


En marge des grosses structures, c'est la Scène nationale de Bar-le-Duc qui, en coproduction avec l'Olympia, présente Anne Sylvestre une semaine à l'Olympia, l'occasion, pour le néophyte, de découvrir un sacré humour derrière l'inquiétude.


Au commencement. «Je n'écoutais pas la radio, mais j'ai découvert les premiers Gréco, mon frère m'a offert le Gorille. En entendant Nicole Louvier, qui écrivait elle-même ses chansons, je me suis dit «c'est possible». Puis je suis passée de l'écoute à l'écriture, de l'écriture à la pratique.


Un jour, on m'a prêté une guitare. A l'école de voile des Glénans, j'ai connu mon premier public. Un garçon m'a donné l'adresse de la Colombe, où j'ai débuté le 19 novembre 1957. Six mois après est sorti mon premier 45 t avec Porteuse d'eau. Pour survivre, il fallait faire trois cabarets par soir, 7 F par passage. Personne n'avait de voiture, je faisais tout à pied. Ça n'était pas un âge d'or, très vite il a fallu se battre. Très vite aussi j'ai haï les auditions, qui me faisaient trop souffrir. »


Succès. «Mon mari est parti a marqué les gens, qui l'ont reçue comme une chanson contre la guerre d'Algérie. Je vivais dans une bulle d'ignorance, il fallait subvenir à ses besoins, chanter, j'avais un bébé. J'appelle ça mes années de brume. Aux puces, j'ai retrouvé mon premier 45 t, avec une étiquette collée: «Radiodiffusion française», et écrit à la main «à éviter».


En 1973, j'étais au creux de la vague, plus de maison de disque, pas d'argent: je me suis installée au théâtre des Capucines et les gens sont venus. J'ai fondé aussi ma propre maison de production.»


Ecriture. «Je ne crois pas au premier jet, mais je ne vais pas recommencer plusieurs fois le même texte. Je rature, je fignole. J'aime la langue, les mots, mais ce sont l'idée et le sentiment qui commandent. Introduire ce qui ressemble à une faute de français peut donner un résultat plus expressif... Dans le Pont du Nord: «A peine qu'on vous lâche on se croit oublié»... «Aussitôt qu'on vous lâche» aurait produit moins d'effet.


J'ai toujours une chanson dans la tête: ça gêne, ça gratte. Et c'est jamais pareil. La musique vient en même temps.»


Honte. «Judith et Roméo raconte en chanson ce que ma sœur, Marie Chaix, a relaté dans plusieurs livres: mon père a été jugé pour collaboration. J'ai passé ma petite enfance à voir ma mère l'attendre. Il était pris par ses réunions. Et à partir de 10 ans, la honte. J'ai assisté à son procès. Il a fait dix ans de prison. Je manquais l'école pour lui rendre visite à Fresnes. J'ai fait un blocage au point d'être nulle en histoire de France. Mon frère et moi, on n'a pas voulu lui poser de questions.


Le Pont du Nord traite de la disparition de mon autre frère, Jean, mort à 18 ans dans le bombardement d'un train: mon père l'avait emmené avec lui en Allemagne. Il m'a fallu quarante ans pour que je puisse en parler.


Pendant des années, j'avais peur que tout ça se sache. Au demeurant, il est possible que ça m'ait causé du tort, il y a eu des blocages, inexplicables, inexpliqués. Mais si les enfants de ceux qui ont été déportés, traités de façon ignominieuse, endurent encore le poids des souffrances de leurs parents, il est également logique que nous continuions à porter notre honte.»


Féminisme. «Dans les années 70, je me suis aperçue que beaucoup de femmes écrivaient, parlaient, filmaient... et disaient les mêmes choses. Non, tu n'as pas de nom, je l'ai écrite dans ma petite bulle, à mon compte personnel. Avant que la loi sur l'avortement ne passe. Elle a été utilisée par le Planning familial, et, bien sûr, bannie des radios.»


Médias. «Je suis absente de la radio et de la télé. Pourtant, quand j'ai l'occasion de faire une émission, je ne suis pas la mémé qu'on sort de la cave. Lorsqu'on me demande «pourquoi on ne vous voit pas plus?» je réponds «c'est de votre faute». Si je ne fais pas de télé, ce n'est pas parce que je suis mauvaise, ou que je n'ai pas de public, mais on donne aux gens quelque chose de fabriqué de toutes pièces et qu'il cautionne.»


Rire. «A mes débuts, je méprisais mes chansons qui faisaient rire. Je voulais dire à mon auditoire, «les autres ne sont pas bien?». Depuis, je me suis aperçue que les chansons drôles sont les plus difficiles à écrire, et que j'adore faire l'andouille. Je termine mon spectacle avec trois chansons humoristiques: quand on a commencé à rigoler c'est dur de passer à un autre registre. Il est préférable de se quitter sur un éclat de rire » *

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