Bernard Giraudeau et le cancer
J'ai vu, cet après-midi, l'émission sur le cancer que j'avais enregistrée hier soir. Il y avait Bernard Giraudeau qui a 60 ans à présent et un charme fou. J'ai beaucoup aimé sa façon de vivre le cancer et sa nouvelle philosophie de vie.
En
participant le 8 février au Palais des Congrès, à Paris, au forum sur
le cancer du rein, l’acteur, qui se bat depuis plus de cinq ans contre
la maladie, soutient l’action de son cancérologue, le Dr Bernard
Escudier, pour améliorer la prise en charge des malades.
Paris Match. Docteur Escudier, dans quel but organisez-vous ce forum, à Paris, sur le cancer du
rein ?
Dr Bernard Escudier.
Jusqu’à présent nous avons fondé, avec le Pr Méjean, urologue à
l’hôpital Necker, une association, Artur, très active, parrainée par
Bernard Giraudeau, pour soutenir la recherche sur les tumeurs du rein.
Nous organisons maintenant un forum destiné aux patients atteints d’un
cancer du rein et à leurs proches. Les objectifs sont simples :
communiquer les dernières avancées dans les traitements de cette
maladie et donner la parole aux volontaires. Bernard Giraudeau, qui a
subi lui-même l’épreuve d’un cancer du rein, a accepté de participer
activement à ce forum. Quand il décide quelque chose, il se donne à
fond... Il vient ainsi régulièrement, une fois par mois, à l’Institut
Gustave-Roussy lire des poèmes aux enfants malades.
Vous êtes le médecin de Bernard Giraudeau. Qu’est-ce qui vous touche le plus chez lui ?
Dr B.E.
Je suis frappé par trois choses : tout d’abord, la réflexion profonde
qu’il a eue sur lui-même. Autre surprise : Bernard, malgré sa
notoriété, se comporte comme un patient ordinaire et pas du tout comme
une star ! Il suit les chemins normaux et n’a jamais cherché à
bénéficier du moindre passe-droit. Enfin, j’ai trouvé très chouette
qu’il se tourne vers les autres en acceptant de donner de son temps.
Quel va être votre rôle dans ce prochain forum ?
Bernard Giraudeau.
Je répondrai aux questions des patients. Un de nos objectifs sera de
venir en aide aux personnes qui se sentent perdues, paumées depuis
l’annonce de leur cancer. Il va falloir trouver le bon langage, savoir
comment être efficace, offrir des “ponts” aux malades pour les aider à
sortir de leur isolement et un de ces ponts est justement cette
association. Ce n’est pas parce qu’on vous annonce un cancer que la vie
s’arrête ; cela la modifie et dans certains cas elle peut être plus
belle qu’avant.
Vous-même, Bernard, comment avez-vous vécu l’annonce de votre propre maladie ?
B.G.
Je vais sans doute vous étonner : je m’y attendais. Cette annonce n’a
donc pas été pour moi un tel choc. J’étais alors engagé dans une
spirale de vie totalement folle qui me maintenait en permanence dans un
état d’angoisse existentielle, celle qui accompagne souvent notre
métier d’acteur. Instinctivement je sentais qu’il allait m’arriver
quelque chose ! Le médecin qui m’a annoncé mon cancer du rein me l’a
dit d’une façon très directe, très saine : “Certes Bernard, c’est
embêtant mais quand un cancer comme le vôtre est bien localisé, on en
guérit... et puis on vit très bien avec un seul rein.” Après mon
opération, j’ai décidé que j’allais tout faire pour changer ma qualité
de vie, donner davantage de temps aux êtres que j’aimais, mieux
profiter de chaque instant. Mais j’ai très vite été happé par le rythme
stressant, trépidant, d’une carrière de comédien, le paraître, et j’ai
replongé dans une déplorable hygiène de vie. Cinq ans plus tard je
recevais le choc d’une deuxième annonce : j’avais une métastase au
poumon. J’ai fait étudier des tests sanguins, que j’avais conservés
depuis 1997, par un ami médecin qui m’a dit alors : “A chaque fois que
tu t’apprêtais à jouer au théâtre, tu avais une montée folle de
cortisol et un dérèglement de ton métabolisme.” Je me suis dit :
maintenant, tu n’as plus le choix, il te faut très vite changer de
comportement et regarder la vie autrement si tu veux encore en profiter.
Et qu’avez-vous alors décidé de changer ?
B.G.
Après mon opération du poumon, j’ai tout d’abord effectué un travail
sur moi-même. J’ai décidé de ne plus vivre avec cette avidité de “tout
bouffer”, d’aller vite... mais de ralentir mon rythme de vie, de goûter
chaque moment. J’ai exploré des voies, des thérapies, qui me semblaient
être le bon chemin pour une rémission. Mon regard sur les autres s’est
aussi modifié, je suis devenu plus attentif et plus réceptif : j’ai
découvert de nouveaux amis, ils sont souvent là où on ne les attend pas
! J’ai eu de la chance.
Aujourd’hui, comment avez-vous organisé votre vie ?
B.G.
Après des recherches et avoir lu des statistiques ainsi que nombre
d’ouvrages passionnants, dont deux écrits par un scientifique canadien,
j’ai modifié mon alimentation pour ne plus manger ni viande rouge, ni
laitages, ni pain, ni sucres rapides, ni sel. En revanche, je consomme
davantage de légumes, de fruits, de poissons et je bois toujours un peu
de vin rouge, excellent pour la santé ! Thé vert, crucifères, certains
condiments à haute dose, etc. Alors que je vivais dans une irrégularité
quotidienne absolue, je me lève désormais tous les matins à la même
heure. Je consacre environ deux heures à la méditation et à certains
exercices physiques, j’ai la chance de pouvoir le faire. Ensuite
j’écris, je lis, je marche dans la forêt. Au retour, je prépare
moi-même mon repas puis, de nouveau, j’écris (l’écriture est une bonne
thérapie. Ce peut être une authentique introspection). Je me couche tôt
: vers 23 heures après m’être replongé dans une courte méditation.
C’est une façon de se soigner et de chercher la paix.
Le cancer du rein métastasé a récemment bénéficié d’une avancée importante. Vous intéressez-vous à la recherche ?
B.G.
Je n’ai pas suffisamment de compétences dans ce domaine et je fais donc
confiance aux chercheurs. Cependant, je suis prêt à apporter mon aide
sous différentes formes : parrainages, visites, lectures aux malades,
etc. L’Institut Curie m’a demandé de parrainer leur manifestation
annuelle pour la recherche “Une jonquille pour Curie”, laquelle aura
lieu au Panthéon.
Quand vous repensez au chemin parcouru depuis la première annonce de votre cancer, quel regard portez-vous sur ce périple ?
B.G.
J’ai abordé cette épreuve comme une nouvelle page de ma vie...
Evidemment, j’ai des moments de doute. Mais nous avons en nous une
force inouïe : je me suis découvert une énergie incroyable, et j’ai
aujourd’hui une meilleure qualité de vie. Le cancer, il faut
l’apprivoiser, apprendre à vivre avec.
Aujourd’hui, quels sont vos projets ?
B.G.
Continuer le chemin que j’ai pris : conserver la même qualité de vie,
écrire, me tourner vers les autres. Devenir peut-être, modestement, un
possible exemple pour les malades, quel que soit le temps qui me reste.
Nul ne sait le temps qui lui reste. Il faut le vivre bien !
Auteur : Sabine de la Brosse